EPIQR+, une «success story» de l’innovation suisse et européenne

Deux entreprises de l’EPFL Innovation Park transforment la meilleure méthode de diagnostic qui existe en Europe en SaaS (software as a service) pour la mettre en ligne au service de propriétaires qui pourront intégrer les exigences de plans climat cantonaux dans les choix de rénovation de leur immeuble ou dans la stratégie immobilière de leur portefeuille et chiffrer leur coût.

Histoire d’innovation

Le logiciel EPIQR, (Energy Performance Indoor Quality and Retrofit), a été initialement développé à l’EPFL dans les années 90 par le Laboratoire d’Energie Solaire (LESO). Success-story de la recherche suisse et européenne, il a donné lieu à la création de deux startups en Suisse et une en Allemagne et il a contribué à la création de dizaines d’emplois depuis ses 25 ans d’existence.
Des centaines de propriétaires ou gestionnaires de parcs immobiliers ont trouvé l’outil qu’il leur fallait pour maîtriser la maintenance de la substance bâtie et planifier les investissements en rénovation de leurs parcs immobiliers.

Des milliers de bâtiments ont ainsi fait l’objet d’un diagnostic à l’aide du logiciel et une grande partie d’entre eux ont pu être rénovés et assainis énergétiquement.
EPIQR est un outil qui vient de loin. En 1980, le professeur Merminod, de l’Université de Genève, cherche à développer une méthode permettant de calculer les coûts de rénovation d’un immeuble de logements en une journée de travail (au lieu d’une semaine). Il fait alors le tour des pays d’Europe pour constituer un état de l’art et de la recherche sur ce sujet. Son parcours lui fait rencontrer M. Maire, un ingénieur français des Ponts et Chaussées ayant développé la méthode de diagnostic «Méthode d’Estimation Rapide» (MER), dans le cadre de la mise en place de la réforme sur le logement social français en 1979. Avec une simple feuille de papier munie de cases à cocher et une calculette, cette méthode MER permettait d’évaluer le coût de l’ensemble des travaux de rénovation en un temps record.

Reprenant cette approche, dans le cadre d’un Programme d’Impulsion de la Confédération, le LESO-PB de l’EPFL a mis au point la méthode MERIP en 1991. L’histoire du formulaire papier MER est l’histoire de l’informatique. Il se transforme en feuille Excel dans MERIP, par la suite en fenêtre Windows dans EPIQR, pour aboutir en 2024 un logiciel en tant que service (SaaS), une fenêtre sur la toile ouverte sur un écosystème de logiciels en ligne, avec lesquels l’application peut communiquer donnant la possibilité à différents métiers et offres de services de travailler en synergie.

La transition énergétique 1.0

La troisième vie de la méthode de l’ingénieur Maire a été portée par un autre professeur de l’EPFL, André Faist, fondateur du Laboratoire d’Energie Solaire et de Physique du Bâtiment (LESO-PB) et directeur de ce laboratoire jusqu’au début des années 90. L’idée du Prof.
Faist était d’offrir aux concepteurs un outil logiciel permettant d’associer le calcul des coûts de rénovation à un bilan énergétique simplifié du bâtiment. Si les propriétaires acceptent une marge de coût de + 25% en phase diagnostic disait-il, la possibilité d’établir facilement un bilan énergétique favoriserait l’intégration des coûts de l’isolation dans leur budget (~5% du coût total des travaux) et contribuerait ainsi à promouvoir la rénovation énergétique des bâtiments.

Une fois le projet de recherche EPIQR terminé en 1998, le Prof. Faist incita Jean-Louis Genre et Flourentzos Flourentzou qui travaillaient alors en tant qu’assistants au sein du LESO-PB à créer une spin-off de l’EPFL afin de faire vivre et diffuser le logiciel. La naissance d’Estia et d’EPIQR
Rénovation est donc le fruit de ce processus et ces deux entreprises, implantées dans le quartier de l’innovation de l’EPFL (EPFL Innovation Park), continuent depuis plus de 25 ans à travailler conjointement sur le développement de l’outil.

Inno Suisse prend la relève avec EPIQR+

La quatrième vie de la méthode initialement conçue par l’ingénieur Maire est le fruit d’une demande issue de l’économie réelle et, notamment, des villes de Vevey, de Neuchâtel, de Lausanne, du Grand-Saconnex ainsi que de l’Etat de Vaud, qui désiraient travailler sur l’assainissement énergétiquement de leurs parcs scolaires.

Afin de pouvoir répondre à leur demande, EPIQR Rénovation et Estia ont élaboré un projet cofinancé par Inno-Suisse (anciennement CTI), pour étendre le champ d’application de la méthode à tous les types de bâtiments. Ce projet, mené en collaboration avec l’EPFL et la SUPSI au Tessin, a donné naissance à EPIQR+.

Le succès de ce nouvel outil a permis à de nombreux acteurs majeurs d’optimiser la maîtrise des budgets d’investissement de maintenance et de rénovation de leurs parcs immobiliers. EPIQR+ traduit un tournant dans l’approche de la rénovation et agit comme un accélérateur de la transition énergétique grâce à l’extension de la base de données des coûts pris en considération. 

La recherche européenne s’intéresse à nouveau à EPIQR+

Dans le cadre d’un autre projet de recherche Européen (Projet PRELUDE), EPIQR+ sert actuellement de support pour élaborer une «feuille de route de la rénovation» (rénovation roadmap).

L’objectif consiste, par exemple, à permettre à un expert qui réalise une analyse énergétique de type CECB+, de compléter son étude en analysant simultanément plusieurs scénarios de rénovation avec EPIQR+. L’outil est utilisé en tandem avec une autre méthode issue de la recherche Européenne, la méthode Investimmo, qui permet, à l’échelle d’un parc, d’arbitrer les besoins d’investissement, de prioriser les interventions avec une méthode multicritère et de planifier les travaux dans le temps.

De la rénovation haut standard d’énergie à la rénovation bas carbone

Le principe même de la réhabilitation des bâtiments peut être assimilé à une opération de recyclage ou de réemploi à grande échelle. Les matériaux qui constituent la structure et l’enveloppe d’un bâtiment existant représentent un stock de «non-émission» considérable et, dans le contexte des plans climats cantonaux qui ambitionnent de réduire les émissions de CO2 de 60% jusqu’à 2030, l’optimisation du scénario de rénovation devient la clé de voûte de la nouvelle approche écologique.

Dans les premiers pas de la transition énergétique, les énergéticiens ont favorisé les rénovations lourdes afin d’obtenir un maximum d’économies d’énergies. A cette époque, cela conduisait à réduire la consommation d’énergie fossile (gaz ou mazout principalement) et donc les émissions de gaz à effet de serre associées.

Aujourd’hui, le chauffage des bâtiments étant de plus en plus assuré par des réseaux de chaleur à distance (CAD), des pompes à chaleur ou des chaudières bois, les émissions de CO2 associées à la consommation de chaleur sont donc nettement moins importantes.
En conséquence, l’énergie, les matériaux et les ressources utilisés pour effectuer les travaux de rénovation représentent une part croissante des émissions de gaz à effet de serre associées au bilan global d’une opération de rénovation. La sobriété énergétique doit donc aller de pair avec une sobriété des travaux.

Les nouveaux articles 117 et 118 de la LCI Genevoise reflètent cette prise de conscience en visant la construction et la rénovation à faible impact carbone. Cette loi vise, en quelque sorte, à éviter de dépenser trop de CO2 pour réduire les émissions.

Plans climat: le nouveau chapitre dans l’histoire d’EPIQR+

L’essentiel de l’idée initiale sur le formulaire de l’ingénieur Maire a traversé toutes les évolutions de l’informatique parce qu’elle avait quelque chose de génial: au lieu d’extrapoler statistiquement les coûts des travaux, il les a modélisés explicitement par élément. C’est grâce à cela qu’EPIQR+ donne depuis 25 ans des coûts de travaux crédibles et vérifiables avec une précision élevée (±15%). C’est grâce à cela qu’un propriétaire dispose d’un diagnostic de l’état de son immeuble ou de son parc structuré, précis et exhaustif. Et maintenant, c’est grâce à cela qu’EPIQR+ CO2 peut calculer avec la même rapidité et précision les émissions de CO2 associées aux travaux.

Un plan climat est une stratégie immobilière, qui en plus de la maîtrise de la valeur, la maîtrise des investissements pour préserver la qualité de substance bâtie, conduit à la réduction des émissions de CO2 de 60% à l’horizon 2030 avec la perspective de la neutralité carbone en 2050.

La dernière évolution radicale de la méthode ouvre de nouvelles perspectives non seulement parce qu’elle permet aux propriétaires de maîtriser l’ensemble des éléments techniques d’une stratégie immobilière, mais aussi parce que sa nouvelle nature SaaS permet de travailler en partenariat dans un écosystème de logiciels ou plateformes, notamment de plateformes de surveillance énergétique, d’évaluation immobilière ou d’optimisation énergétique.

Ces innovations intégrées dans le nouveau EPIQR+ confirment son positionnement en tant
qu’outil de référence dans le domaine de la rénovation et traduisent un nouveau chapitre important de son histoire.

Nous tenons à remercier l’Office Cantonal de l’Energie genevois (OCEN) qui a cofinancé le développement de la méthode, pour offrir un accès gratuit à la base de données CO2.

Option CO2 EPIQR+ Batiment
Pour économiser environ 100 tonnes de CO2 avec une rénovation THPE, ce bâtiment doit en dépenser 15 pour les travaux.

Ce bâtiment genevois de 24 logements chauffé au mazout, émet actuellement (avant sa rénovation) 54 kgCO2 chaque année par m2 chauffé, soit 104 tonnes de CO2. Selon son CECB, après une rénovation HPE, connecté au CAD il émettra 11.2 tonnes de CO2 alors qu’avec une rénovation
THPE il réduira ses émissions à 6.4 tonnes.

Les nouveaux articles 117 et 118 de la LCI genevoise demandent un concept de rénovation bas carbone qui comptabilise aussi les émissions des travaux.

Selon EPIQR+ CO2, les émissions des travaux d’une rénovation HPE sont de 9.5 tonnes de CO2 contre 15 tonnes pour la THPE. Les économies supplémentaires réalisées par une rénovation THPE ne suffisent pas à compenser les émissions des travaux supplémentaires (double flux, isolation renforcée, fenêtres avec isolation renforcée). Selon EPIQR+CO2 ces résultats ne
peuvent pas être généralisés.

Sur un bâtiment plus grand, donc avec moins d’enveloppes par m2 chauffé, la solution THPE serait préférable, surtout avec une isolation à faible impact carbone.

FLOURENTZOS FLOURENTZOU
& JEAN-LOUIS GENRE